Maintenant que le travail est rangé, dans sa propre sacoche — je lui vois une grande sacoche, de cuir ou de bois, rien que pour lui, si je puis dire car bien sûr il n'y va pas sans mon père, mon grand-père et même le cheval, c'est grâce à eux que j'ai pu faire monter le travail sur mon dos, dans le grand sac des mots, alors que je désespérais, une page avant, de pouvoir un jour l'engranger.
Je peux dire que je me sens plus léger, le mot porté ne pèse rien. J'imagine qu'une abeille pourrait les porter... mais qu'en ferait-elle ? Elle porte bien évidemment les siens, mille fois plus légers, je suppose, et plus bleus ! d'ailleurs je n'imagine même pas, je les vois, les entends, abeilles, papillons, pommiers, tout porte ses mots et je les vois, les entends. J'entends leur langage, il me suffit de sortir au verger et dialoguer avec eux tous, en plein été.
Voilà la vie sur Terre, celle que nous avons tous connue, c'est le message que j'envoie aux futurs enfants de mes petits-enfants.
Soutine, La route folle à Cagnes, La Gaude, 1927
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