samedi 28 janvier 2023

rivière

Ce matin, une tempête de connaissance.
Un buisson ou un arbre s'embrase et de proche en proche comme l'aube se glisse sur les plaines, le soleil a surgi, la lumière a franchi les coteaux et roulé dans la vallée et tu as sauté sur ta monture et saisi la bride des mots, les doigts du compositeur ont entrepris leur randonnée sur le clavier, chacun a saisi ses outils. Le saisissement mental du rêve a permis la prise en main des outils. Il faut maintenant traduire cette tempête de compréhension qui a fait rage à travers les rochers et la forêt, les constructions patientes du temps, des conflits de générations — les soucis d'engendrement, concept un peu complexe né du confinement et de La métamorphose de Kafka dans le dernier livre de Bruno Latour, et que tu viens de mieux comprendre. La tempête de connaissance d'abord dévastatrice devient fleuve et rivière puis ruisseau pour te permettre d'écrire, d'expliquer ou de raconter, ou de tisser, modeler, moduler ton chant, ton poème ou ton conte, au romancier d'avancer son roman, autant de manières de faire avec cette puissance d'agir qui a ses phases, ses paroxysmes, ses oublis, ses errements, qui peut en tout point être comparée à l'eau dans L'histoire d'un ruisseau d'Élisée Reclus, arasant les montagnes, creusant les gouffres, édifiant les stalagtites et stalagmites — mon crayon s'étouffe, collapse... stalactites et non stalag... les guerres donc, les guerres ne sont pas en reste dans notre puissance d'agir !
Ainsi la lecture, comme l'eau, passe par ses chemins souterrains, par la nuit, par le rêve, surgit au matin dans les mains qui saisissent le papier-crayon, écrit, raconte, remue, dépose des sédiments...
Puis tu reviens ouvrir le livre, permettant ses résurgences nouvelles, son frais visage transformé, qui court plus loin.

Peinture de Marc Chagall, 1929

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