dimanche 18 mai 2025

réalité


"Réalité : Ce n'est pas assez de faire voir ce qu'on peint, il faut encore le faire toucher."
Encore s'il s'agissait de toucher la peinture sur la toile, mais c'est bien autre chose dont il s'agit : il faut toucher du doigt le désir, le désir du peintre, matérialisé, devenu peinture ! voilà pourquoi l'oiseau ne ressemblera pas à un "vrai" oiseau, la théière à une "vraie" théière ! L'art n'est pas de la représentation, voilà pourquoi aussi Magritte écrivait dans son tableau : ceci n'est pas une pipe.
Chaque artiste se donne, à sa manière, la tâche de réaliser l'impossible. Il lui faut une grande inconscience (ce qu'ont les enfants, et beaucoup sont artistes), ou une grande foi, lorsque la vie a défait l'inconscience. Ainsi chaque artiste, à sa manière, rapproche les contraires — le désir de la matière, le rêve du réel, le visible de l'invisible, le je du tu, chacun avec ses outils, triviaux, comme venus d'une autre planète, que ce soit des pierres, du bois, des mots ou des sons. Si l'enfant s'y lance spontanément, ne voyant aucun obstacle entre lui et la création, aucune discontinuité dans le merveilleux, pour l'adulte qui a tant appris à douter, à redouter, à comprendre, à se défier de tout, la tâche ne va pas sans une dose de foi, ou de folie.
C'est la ferveur, que revendique Braque : "Je ne suis pas un peintre révolutionnaire, je ne cherche pas l'exaltation, la ferveur me suffit."

en image : page du Cahier de Georges Braque, Maeght éditeur, 1994 

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