Je suis mort, je disloqué. Je s'en va, disparaît de la page en une dizaine de mètres, mais une nouvelle force est libérée avec sa mort. Mes habitants sortis de geôle, balancés dans la vallée, charriée ma peine, déversée comme m'avait montré autrefois la vieille riveraine, la vieille sorcière qui tenait les ordures dans son tablier, les restes de combats, de guerres, de défaites et d'ambitions. Jetait le tout à la rivière, en digestion souveraine. Place aux enfantements, disait-elle dans son geste, que j'entends maintenant que pousse ma langue, nourrie de la sienne et des autres après ce baiser, ce passage à l'envers. Et le temps est remonté, comme faisait ce vieux geste mon père tournant la clé du réveil, la vieille mécanique au bruit obsédant pour l'enfant, qui ne savait pas dormir, ne savait pas encore quitter la maison pour aller en construire d'autres, les faire champs d'amour et de bataille, les maisons disparaissant avec eux, quand le jour emporte la nuit, le laissant nomade, comme au commencement.
Peinture de Chaïm Soutine
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