vendredi 29 mars 2024

un métier


Il fallait un métier. Pour gagner sa vie. C'était dans l'ordre des choses. Les choses étaient des murs, des sols, des portes et des fenêtres, des allées, des rues, des barrières, des placards, des vêtements, des bureaux, des horaires, des blouses de travail, des cours de récréation où les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, se côtoyaient, échangeaient les mêmes paroles, les mêmes sévérités immuables chaque matin malgré leur renouvellement conforme à l'actualité.
Pourquoi son père ne pouvait-il pas comprendre ?
Un père qui n'avait jamais échangé une parole avec l'enfant. Une parole d'un homme à un homme. Seulement le silence, la présence rare, les gestes, les directives convenues d'un père à un fils à non pas éduquer mais contrôler, cadrer. Sauf au congé de la belle saison, quand l'enfant le suivait au jardin, il pouvait lui montrer les dégâts des courtilières, les monticules des taupes, les doryphores, les outils, les raies dans la terre fine, les semences de carottes mélangées au sable, dans la main. Il pouvait arroser. 

Mais ce n'était qu'une parenthèse. Le temps des évidences était vite remplacé, à nouveau, par le temps des délires et des absurdités. Si bien qu'il passa sa vie à fuir, de métier en métier. Avant de se rendre compte qu'il avait gagné.

Peinture de Bengt Lindström
 

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