Il fallait un métier. Pour gagner sa vie. C'était dans l'ordre des
choses. Les choses étaient des murs, des sols, des portes et des
fenêtres, des allées, des rues, des barrières, des placards, des
vêtements, des bureaux, des horaires, des blouses de travail, des cours
de récréation où les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, se
côtoyaient, échangeaient les mêmes paroles, les mêmes sévérités
immuables chaque matin malgré leur renouvellement conforme à
l'actualité.
Pourquoi son père ne pouvait-il pas comprendre ?
Un père qui n'avait jamais échangé une parole avec l'enfant. Une parole d'un homme à un homme. Seulement le silence, la présence rare, les
gestes, les directives convenues d'un père à un fils à non pas éduquer
mais contrôler, cadrer. Sauf au congé de la belle saison, quand
l'enfant le suivait au jardin, il pouvait lui montrer les dégâts des
courtilières, les monticules des taupes, les doryphores, les outils, les
raies dans la terre fine, les semences de carottes mélangées au sable, dans la main. Il
pouvait arroser.
Mais ce n'était qu'une parenthèse. Le temps des évidences était vite remplacé, à nouveau, par le temps des délires et des absurdités. Si bien qu'il passa sa vie à fuir, de métier en métier. Avant de se rendre compte qu'il avait gagné.
Peinture de Bengt Lindström
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