Où est la beauté d'un mot... sa bonne compagnie, sa lumière, ses ombres, la saveur de ses sonorités, ses ricochets, les affleurements d'autres mots, l'afflux des idées, des images, des souvenirs ?
Les mots vont par champs lexicaux, par familles, tribus, généalogies. Par domaines sémantiques, territoires conquis. Par traditions, cultures, privilèges, par élections, par rejets, en arsenal.
Qu'on les choisisse soigneusement ou qu'ils vous choisissent, bref, les mots qu'on emploie vous désignent, vous distinguent, vous ouvrent ou vous ferment des horizons. Vient aujourd'hui ce mot, pourquoi ? Dire une vie sensible, grouillante, physique et intellectuelle. Ou ce bastion de la moralité, cette police des mœurs. Un terme à prendre avec des pincettes, doué d’attraction-répulsion. Vient parler d'écriture, interroger qui écrit, le questionner sur son désir, sa jouissance, son auto-satisfaction, la place volée ou prise... Combien d'écrits pourraient porter en titre — ou en commentaire — un tel terme ? Autrement dit combien d’œuvres suscitées par de bons affects ont-elles été freinées, empêchées, obligées de passer à la question d'un mot dressé en épouvantail, utilisé en bâton de gendarme dans un jeu de guignol ou en instrument sordide de perversion.
Ne faisons-nous que jouer avec des mots ?
Dessin de Anna Jouy
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